Vaches, cristaux et virages
Une corrida des Alpes avec beaucoup de bave, un lac de montagne enchanteur, des cristaux proposés à la vente le long du chemin et des virages à gogo: en randonnée avec la Poste dans le Val Maderan.
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Le trajet d’Amsteg à Bristen est unique en son genre. Le célèbre avertisseur à trois tons du car postal retentit à plusieurs reprises. La route en lacets bordée d’un précipice vertigineux m’angoisse un peu. Je suis assise à la fenêtre, directement derrière le conducteur. Mauvais choix, car je profite d’une vue panoramique. Le trajet depuis Amsteg jusqu’au Val Maderan est spectaculaire et me conduit dans un autre monde. Nous arrivons à Golzern. La station inférieure du téléphérique est le point de départ de notre randonnée de deux jours.
Sommes-nous au Canada?
On s’y rend en petit téléphérique rouge. Il a l’air d’un jouet. Il m’emmène avec mes deux compagnons de marche jusqu’à la station supérieure, perchée 600 mètres plus haut. À peine descendus, l’«office de poste» me saute aux yeux: batterie de cases postales, boîte aux lettres et dépôt de colis au même endroit – la Poste est vraiment partout.
Le chemin débute en pente douce. Sur le haut plateau, on aperçoit à gauche et à droite des sommets rocheux qui encadrent la plaine verte comme dans un tableau. Je suis surprise par les cristaux de roche proposés à la vente tous les quelques mètres le long du chemin. Ils sont posés sur de petites planches de bois, alignés par taille et étiquetés avec leur prix respectif. Je m’arrête à chaque fois et m’émerveille devant ces petits stands.
Nous apercevons bientôt le lac de Golzern. Enchâssé dans un écrin de pâturages verdoyants et de sapins vert foncé, il nous offre un paysage de carte postale. L’ambiance me rappelle le Canada. Quelques nageurs courageux se baignent dans ses eaux froides. Je m’abstiens et préfère photographier avec mon smartphone les papillons, les canards et les vaches omniprésentes. J’aurai d’ailleurs une rencontre mouvementée avec l’une d’entre elles. Mais je vous en dirai plus tout à l’heure.
Une grande variété d’animaux
La variante la plus aisée de cette randonnée est agréable, praticable avec une poussette et adaptée aux familles: on peut y accéder avec le petit téléphérique pour se promener autour du lac, profiter des coins grillade, puis redescendre en téléphérique à Golzern/Bristen. Nous optons toutefois pour l’ascension menant à la cabane de Windgällen,
dans l’espoir d’apercevoir des bouquetins et des marmottes. Une grosse chenille verte crapahute au beau milieu du chemin. Je la déplace. Elle se transformera peut-être en un beau papillon, comme Anne, l’un des compagnons de randonnée du monde animal de la Poste. Après une pause au milieu d’une mer de myrtilles, nous attaquons l’ascension finale vers la cabane de Windgällen. Visible de loin, elle trône au sommet. D’autres pics, encore plus hauts, se dressent derrière elle, mais je m’en désintéresse. J’aimerais juste atteindre le sommet.
(Copyright: Tom Huber)
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Corrida des Alpes
Une fois en haut, nous sommes accueillis par des vaches qui paissent en toute liberté. Elles ne sont guère farouches. Nous déposons nos sacs à dos et nos vestes trempées de sueur dans l’herbe et préparons notre pique-nique. Immédiatement, des vaches viennent renifler nos sacs avec leurs naseaux humides.
Alors que je mords dans mon sandwich, une vache désireuse d’y goûter aussi approche. Son museau est un peu trop près de mon visage. Je la repousse, mais la voilà qui se met à baver sur ma veste de randonnée posée au sol pour pouvoir sécher. Je la lui arrache. Trop tard, les manches sont déjà couvertes de bave. J’agite ma veste afin de la débarrasser de la substance visqueuse et de repousser l’intruse. J’ai l’air d’un toréador de pacotille dans ma tentative d’éloigner le bovin. Mes gesticulations sont vaines. La vache reste plantée là, me dévisageant avec ses grands yeux, et refait un pas dans ma direction. Les hôtes attablés sur la terrasse de la cabane regardent la scène d’un air amusé. Nous décidons de renoncer à la compagnie des vaches pour notre pique-nique et nous nous abritons derrière une grange entourée d’une clôture.
(Copyright: Tom Huber)
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Des trolls, des fées et une vieille bâtisse
L’heure est à la descente. Nous traversons des ruisseaux, nous enjambons des rochers, nous nous émerveillons devant les prairies verdoyantes et nous nous imaginons en Irlande par un après-midi brumeux. Nous arrivons ensuite sur un tronçon bordé de fougères et autres plantes luxuriantes. Devant nous, une obscure forêt se transforme en forêt enchantée lorsque nous y pénétrons. Des petites buttes recouvertes de mousse, des fougères, de sombres sapins, des fourmilières et des branches mortes nous entourent.
Où sont les trolls? Un elfe archer se cache-t-il derrière un arbre? Nous parcourons les derniers mètres jusqu’à l’hôtel plongés dans nos rêveries et arrivons sur une grande place, face à une imposante bâtisse en bois. Les bardeaux sont déjà gris et usés par le temps. Le bâtiment voisin a l’air abandonné. Le brouillard, gris et froid, s’accroche dans la vallée. L’ambiance est presque inquiétante. Une chanson évoquant le triste sort d’une maison me vient à l’esprit. Cette maison-là aussi a dû connaître de sacrées histoires. L’avant de l’immeuble et sa terrasse sont plus engageants. La lumière douce qui s’échappe des fenêtres de l’hôtel Maderanertal nous invite à franchir la porte.
(Copyright: Tom Huber)
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Des hôtes célèbres
Cet hôtel classé monument historique a une histoire longue et mouvementée. Depuis 1864, il trône à Balmenegg, au-dessus de la vallée, et a déjà accueilli des hôtes illustres. Des hommes d’État, des monarques, des philosophes et des écrivains sont venus se reposer ici. Par exemple, Friedrich Nietzsche y a séjourné en 1870. L’hôtel disposait même d’un office de poste et de ses propres timbres afin que la clientèle distinguée puisse envoyer sa correspondance directement depuis ce lieu de cure. Aujourd’hui, le petit office de poste jouxtant le bâtiment principal est vide. Les dépendances de l’hôtel, construites à la belle époque et regroupant plusieurs dizaines de chambres, ne sont plus exploitées non plus. La tradition hôtelière se poursuit uniquement dans le bâtiment principal, dont les chambres ont été restaurées avec goût.
L’Uranais Tobias Fedier, qui a grandi dans la ville voisine de Bristen, a repris la direction de l’hôtel en succédant à sa mère et assume toujours sa gestion, malgré la crise du coronavirus. Il est vrai qu’on ne capte le réseau de téléphonie mobile que sur la terrasse, près de la hampe de drapeau. Peu importe. Une fois n’est pas coutume, nous apprécions le luxe de ne pas être dérangés.
Convivialité et créativité
La randonnée du lendemain est agréable. Le chemin nous ramenant à Bristen serpente en pente douce à l’ombre des arbres, le long de la rivière. Nous marchons d’un pas vif, en entonnant quelques chansons de randonnée pour augmenter la cadence. Nous croisons une classe de la haute école d’art de Zurich, qui passe ici une semaine de projet consacrée à l’aquarelle. J’observe les étudiants. Assis sur des rochers au milieu de la rivière et armés de pinceaux et de peintures, ils remplissent leurs blocs de dessins. J’aimerais m’asseoir près d’eux, mais nous devons poursuivre notre chemin. Le car postal pour Amsteg part dans une heure.
Convivialité et créativité
Au fait, je n’ai pas pu m’empêcher d’acheter un petit cristal de roche en souvenir. Il m’aidera peut-être à vaincre ma peur du vide et à me préserver des témoignages d’affection bovine.
(Copyright: Tom Huber)
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Tant d’histoires (sur la Poste) le temps de cette randonnée. Envie d’en savoir plus? Rendez-vous sur post.ch/randonner et découvrez la Suisse en empruntant les voies postales. Cette année encore, il y a de formidables itinéraires de randonnées (familiales) à découvrir. Vous pouvez commander gratuitement la carte avec les nouveaux itinéraires et la recevoir chez vous. Vous trouverez de nouveau le jeu de l’échelle très prisé au verso.