Qui est ton Advancine?

Mon «Superhéroïne du quotidien» est une Advancine, une figure féminine en résine synthétique, peinte en blanc – une sorte de feuille blanche – que l’organisatrice de l’exposition AdvanceTarget not accessible a confiée à chaque artiste participant à la conception. Mon Advancine symbolise les héroïnes discrètes de notre quotidien.

Quelle était ton idée?

Je souhaitais mettre l’accent sur les travaux et métiers qui sont souvent peu considérés, mais sans lesquels notre quotidien ne fonctionnerait pas. J’ai donc habillé mon héroïne avec les combinaisons professionnelles correspondantes; le pantalon représente les travailleuses de la construction (routière et paysagère) et de l’agriculture, la cape ou la blouse représente d’une part les femmes dans le soin, d’autres part le travail de care au sein des familles et du ménage. Le bras gauche du personnage rappelle la tenue de service des deux principaux détaillants suisses, impression renforcée par le cabas que porte la main. La main droite, qui tient un crayon, une peluche et une ceinture de sécurité routière pour les enfants du jardin d’enfants renvoie aux travailleuses dans la prise en charge et l’éducation primaire. La chemise de mon «Superhéroïne du quotidien» rappelle les nombreuses collaboratrices, souvent invisibles, dans la télécommunication – parmi elles, les employées de la Poste. Enfin et surtout, le ventre de mon héroïne est arrondi par une grossesse. Il symbolise la maternité et le travail au sein de la famille, qui permet en premier lieu l’avenir de la société, mais qui, pour les femmes en Suisse, est malheureusement encore synonyme de pertes en termes de carrière et de salaire...

La pose d’Advancine est plutôt combattante. Qu’en penses-tu?

Je lis plutôt la pose de cette sculpture comme un mouvement vers l’avant et je salue cet élan vers un meilleur avenir! En Suisse et dans le monde, il y a encore beaucoup de femmes concernées par des discriminations, violences et exploitations (structurelles, financières et physiques). Ma conception entend rendre hommage à la force et à l’héroïsme auxquelles les femmes doivent toujours faire appel et les inspirer à continuer de se battre pour leurs droits en tant qu’êtres humains, citoyennes et employées.

Quelle est ta position sur l’égalité?

En tant que chercheuse en sciences culturelles, cheffe scout pendant de longues années et femme – directement concernée –, les thèmes de l’inégalité sociale, de l’(in)égalité des chances et de l’égalité des sexes m’intéressent depuis longtemps au sens d’une unité dans la diversité. Je me réjouis donc qu’Advance porte le thème du côté de l’économie et crée une grande plateforme à l’occasion de cette journée internationale des droits de la femme et j’espère que l’attention générée par l’art contribuera à de réelles améliorations.

Selon toi, sommes-nous sur la bonne voie vers l’égalité?

Actuellement en Suisse, on constate parfois des régressions, il reste donc beaucoup de chemin à parcourir. Toutefois, au cours des dernières années, la conscience des inégalités dans l’ensemble de la société a grandi et les voix qui s’y opposent sont mieux entendues – cela paraît positif. Mais, comme mentionné, il reste beaucoup à faire. Qu’il s’agisse d’(in)égalité des chances pour le premier emploi, de concilier vie professionnelle et familiale, de la pauvreté des personnes âgées qui touche surtout les femmes ou des féminicides, il n’y a rien de nouveau pour nous les femmes. Voilà pourquoi l’égalité est si importante et, comme le disait déjà en 1935 Dr. Walter von Bonstetten (1867-1949), l’ancien président des scouts suisses, «nüt nalah gwinnt!» – persévérons!

Que souhaites-tu aux jeunes femmes?

Je leur souhaite un avenir dans lequel l’égalité est un fait incontestable. La suppression des obstacles, une amélioration qui permette aux mères célibataires ou aux femmes âgées de ne plus craindre une vie dans la pauvreté, et la protection contre toute forme de violence. Une condition qui devrait aller de soi et être atteinte en collaboration avec des hommes modernes, solidaires et émancipés. «I ask no favour for my sex. All I ask of our brethren is that they take their feet off our necks» (Ruth Bader Ginsburg).