Consultation OPO
Position de la Poste sur la procédure de consultation relative à la révision partielle de l’ordonnance sur la poste (OPO)
Situation initiale
L’actuelle loi sur la poste a été adoptée par le Parlement il y a quinze ans. Depuis, les habitudes de vie et de consommation ont fortement évolué: beaucoup moins de lettres et de versements comptants, mais plus de communication numérique, de colis et de paiements effectués via des applications. Ce changement structurel profond sur les marchés postaux classiques met particulièrement en danger le modèle actuel du système Poste. Les prescriptions actuelles relatives au service universel sont de moins en moins utiles pour la société, d’une part, et ne sont plus financièrement pérennes, d’autre part. Parallèlement, le besoin de solutions de communication numériques sûres, standardisées et simples se renforce. Car ce n’est qu’en s’adaptant aux évolutions sociétales et économiques que la Poste pourra continuer à assurer un service public sur l’ensemble du territoire sans recourir aux fonds publics.
Le Conseil fédéral reconnaît la situation difficile de la Poste et c’est la raison pour laquelle il a engagé en juin 2024 une révision de la législation sur la poste. Les travaux autour d’une nouvelle législation sur la poste prenant un certain temps, il propose d’ores et déjà de procéder à de premières adaptations au niveau d’ordonnance afin d’accroître l’efficacité du service universel et de le moderniser.
Contenu du projet
Avec la procédure de consultation sur la révision de l’ordonnance sur la poste ouverte le 16 avril 2025, le Conseil fédéral propose les adaptations suivantes:
- Intégration du système hybride de distribution dans le service universel: dans le domaine des services postaux, un canal numérique de distribution complète le service universel, sans remplacer la distribution physique. Désormais, les expéditrices et les expéditeurs doivent pouvoir envoyer leur courrier aussi par voie numérique à l’aide d’un téléphone mobile ou d’un ordinateur. Les destinataires auront alors le choix de recevoir le courrier par voie numérique ou physique. Dans le dernier cas, la Poste imprime l’envoi, le met sous enveloppe et le distribue dans la boîte aux lettres normale.
- Harmonisation des normes régissant l’acheminement des lettres, des colis et des quotidiens en abonnement à 90% (aujourd’hui: lettres 97%, colis et quotidiens en abonnement 95%)
- Retour à la notion de zone: la Poste sera désormais tenue d’effectuer des distributions dans les zones habitées à l’année et non, comme prescrit depuis 2021, dans les maisons habitées à l’année.
- Élargissement du mandat de service universel dans le trafic des paiements à un moyen de paiement accepté pour les paiements en ligne (p. ex. carte de débit ou application de paiement) et à un accès numérique au trafic des paiements électronique (e-banking).
Position de la Poste
La Poste salue globalement l’orientation stratégique proposée par la modification de l’ordonnance
- L’adaptation de l’ordonnance est une première étape vers un service universel axé sur les besoins et tourné vers l’avenir. Ces adaptations permettent d’atténuer temporairement, jusqu’à la révision complète, la hausse des coûts résultant de la baisse du volume des lettres et des versements au guichet: la Poste pourra optimiser ses processus et sera en mesure de fournir les prestations du service universel de manière plus efficace et avantageuse.
- L’intégration de la lettre hybride dans le mandat universel va permettre d’adapter la législation postale aux évolutions des dernières années.
- La Poste estime qu’une extension du service universel dans le domaine du trafic des paiements numériques n’est judicieuse que si les adaptations n’entraînent pas de risques juridiques élevés pour la Poste et PostFinance et qu’elles constituent un premier pas en direction d’une évaluation et d’une modernisation complète du service universel dans le trafic des paiements.
- La Poste souligne par ailleurs que les adaptations proposées de l’ordonnance sur la poste ne permettront pas de résoudre le problème de financement du mandat universel. Cela nécessite un réexamen global du système réglementaire de la Poste dans le cadre de la future révision de la loi sur la poste.
Les points de vue en détail
Dans l’ensemble, la Poste approuve les adaptations proposées par le Conseil fédéral. La Poste estime néanmoins que certaines concrétisations et améliorations sont nécessaires à différents égards (en bleu ci-après).
Lettre hybride
Avec la lettre hybride, la législation postale va se moderniser en tenant compte des évolutions et des nouveaux besoins. La lettre hybride est une étape importante vers un service universel postal moderne, en adéquation avec les besoins actuels de la clientèle.
La définition de l’«envoi électronique» n’est pas orientée sur les utilisatrices et les utilisateurs et elle manque de perspective (art. 1 let. i): la règle selon laquelle un envoi électronique doit toujours pouvoir être distribué physiquement est trop restrictive et n’est pas orientée vers l’avenir à l’ère d’une transformation numérique fondamentale.
La participation à la communication électronique des écrits doit faire l’objet d’un examen approfondi (art. 35a let. f): la Poste se réjouit certes de l’objectif d’associer le système hybride de distribution et la communication électronique des écrits, mais elle s’interroge sur la mise en œuvre proposée compte tenu de l’existence d’autre projets législatifs (notamment loi fédérale sur les plateformes de communication électronique dans le domaine judiciaire). L’adaptation proposée fait peser la menace d’un raccordement à un système qui pourrait être mis hors service à courte échéance.
Le «processus de transformation» ne doit pas être inclus dans les délais d’acheminement (art. 35c al. 4): les envois électroniques qu’une ou un destinataire ne souhaite pas recevoir par voie électronique, mais physiquement, doivent être imprimés, mis sous enveloppe et distribués par la Poste. La Poste est favorable à cette solution de distribution hybride. La production (impression, mise sous pli, etc.) des envois signifierait cependant une réduction considérable du temps à disposition pour l’acheminement. Pour cette raison, le processus de production ne doit pas être inclus dans les délais d’acheminement (courrier A/B).
Les prescriptions relatives à la protection et à la sécurité des données sont difficiles à mettre en œuvre sur le plan de l’économie d’entreprise et entraînent des coûts supplémentaires (art. 35f): la Poste reconnaît que la protection et la sécurité des données revêtent une grande importance dans l’élargissement prévu du mandat universel. Toutefois, certaines dispositions sont formulées de manière si vaste ou si floue que la Poste ne sera plus guère en mesure d’exploiter le système en couvrant les coûts ou qu’il en résulte une grande insécurité juridique.
Délimitation manquante concernant l’accès exigé au système (art. 35g al. 1): un accès «transparent et non discriminatoire» au système de distribution hybride doit être accordé aux tiers. La Poste est disposée à garantir un tel accès aux tiers, grâce à des interfaces numériques appropriées. Seules les ressources numériques et prestations du système de distribution hybride doivent cependant être concernées par la nouvelle règle relative à l’accès.
Normes d’acheminement
La Post salue l’uniformisation des délais à respecter pour les envois individuels de lettres et de colis (art. 32), ainsi que l’horaire à respecter pour la distribution des journaux (art. 31a). La mesure améliore l’efficacité dans le traitement et la distribution des envois postaux et contribue ainsi à stabiliser à court terme le financement du service universel. Parallèlement, il est évident pour la Poste qu’elle continuera à honorer sa promesse de qualité et distribuera lettres, colis et journaux dans les délais impartis.
Retour à la notion de zone
La Poste accueille avec satisfaction le retour à la notion de zone (art. 31), qui lui permettra d’améliorer nettement l’efficacité de la distribution. Elle préconise la mise en œuvre progressive de la notion de zone sur un délai de transition de dix ans. En effet, le retour à la notion de zone peut représenter un changement important, à plus forte raison pour les personnes concernées dans les régions rurales et périphériques, et c’est la raison pour laquelle la Poste procèdera à sa mise en œuvre avec la sensibilité requise. En outre, des solutions adaptées devant se substituer à la distribution à domicile seront proposées aux foyers concernés.
Pas de restrictions supplémentaires pendant la période de transition: la Poste souligne que la mise en œuvre progressive minimisera la décharge financière de l’ordonnance et que les effets financiers maximaux escomptés (34 mio. de francs) ne se déploieront pleinement qu’au bout de dix ans. Dans ce contexte, il est particulièrement important que la Poste ne soit pas soumise à d’autres restrictions dans le cadre de la concrétisation de la nouvelle réglementation pendant le délai de transition.
Liberté de conception dans la mise en œuvre et règles claires en cas de changement de propriétaire et d’habitante ou d’habitant: la Poste propose, dans un souci de clarification, que l’ordre précis de la mise en œuvre soit l’affaire de la Poste et que, en cas de changement de propriétaire et d’habitante ou d’habitant en dehors de lotissements, le passage à une autre forme de distribution soit immédiat et que toute voie de droit soit exclue à cet égard.
Trafic des paiements
D’un point de vue économique, on peut se demander si l’extension du mandat de service universel dans le trafic des paiements avec l’inclusion des services numériques aura un intérêt significatif pour la population et l’économie. Le trafic des paiements en Suisse est fortement imprégné par le numérique. Aujourd’hui déjà, la population suisse dispose d’un accès simple et vaste au trafic numérique des paiements et aux moyens de paiement en ligne. On peut donc se demander dans quelle mesure l’adaptation proposée améliorera réellement l’inclusion de la population et de l’économie dans le trafic des paiements numérique et aura un intérêt correspondant pour la société. En même temps, la modification proposée actuellement impliquerait des risques supplémentaires et, partant, des coûts pour la Poste et PostFinance.
Si l’on s’en tient à l’élargissement du mandat de service universel dans les services de paiement, la Poste et PostFinance demandent que les coûts et les risques associés soient limités autant que possible. Du point de vue de la Poste et de PostFinance, les conditions suivantes doivent être remplies: premièrement, la modification doit être organisée de manière à ce que les risques et les coûts engendrés par la nouvelle réglementation puissent être maintenus au plus bas niveau possible pour la Poste et PostFinance. Deuxièmement, elle devrait constituer un premier pas en direction d’une évaluation et d’une modernisation complète du service universel dans le domaine des services de paiement dans le cadre de la révision de la législation postale à venir. Cette évolution est nécessaire car la demande de paiements en espèces diminue, la Poste et PostFinance se trouvant ainsi confrontées à des problèmes de financement croissants.
Dans l’online banking, l’extension doit se limiter à l’accès numérique au compte destiné au trafic des paiements, par analogie avec la réglementation de l’Union européenne: La Poste considère la formulation «accès au trafic des paiements numérique» comme trop imprécise et propose de la remplacer par «accès numérique au compte destiné au trafic des paiements». Cela correspond également à la réglementation européenne, qui confère aux consommatrices et aux consommateurs l’accès à leur compte de paiement «par l’intermédiaire des services en ligne de l’établissement de crédit».
Règlementations sur les possibilités de paiement dans le commerce en ligne dans un article dédié: La Poste propose que la possibilité de paiement dans le commerce en ligne soit réglée dans un article dédié. Il s’agit ainsi de clarifier le fait qu’il n’existe aucun droit individuel d’une cliente ou d’un client à une transaction particulière. En outre, la Poste suggère d’indiquer plus clairement que Post-Finance peut uniquement proposer le moyen de paiement en coopération avec des tiers.